A NEW LIFE - MATTHEW

Matthew a toujours été seul. Rejeté. Moqué. De ce fait, il n’a jamais rien partagé avec ses parents ou son grand frère, de 6 ans son aîné qui lui, l’aimait de tout son cœur. Après tout, il avait sa part de responsabilités… En effet, le jeune garçon était froid. Distant. Il prenait tout pour acquis. Il ne faisait jamais d’efforts, que ce soit pour aider les autres, améliorer ses rares relations ou même rencontrer de nouvelles têtes. Sa solitude lui plaisait. Quand quelqu’un s’approchait de lui, ou même posait son simple regard sur lui, il serrait les dents et fixait le malheureux de manière on ne peut plus sombre. Du genre « Regarde ailleurs et fous-moi la paix. ». Personne n’osait le contredire lorsqu’il proposait ou ordonnait quelque chose. Ah, celui qui avait le malheur de lui faire face… Matthew lui faisait comprendre son erreur, commençant par des vulgarités et terminant par des coups. Le géant n’aimait pas la vie. Il ne supportait personne. Il se demandait ce qu’il faisait là, puisqu’il ne s’entendait avec personne… Sauf lui. Jake. Son premier amour. Il l’avait rencontré au lycée, en première année. Il avait osé contredire le violet. A maintes reprises. Sauf qu’au lieu de se laisser faire comme ceux que Matthew frappait, Jake répondait à ses coups. Jusqu’à mettre le colosse à terre. Matthew, n’ayant jamais connu un quelconque affront, ne put s’empêcher de sourire. Depuis ce jour, sa vie avait changé. Il traînait sans arrêt avec lui. Il s’ouvrait à Jake… Quel exploit ! Après avoir entendu des reproches à n’en plus finir, dans le style « Tu finiras toujours tout seul à agir comme ça. Tu ne seras jamais heureux. », il avait enfin pris une revanche sur tous ces moins que rien qui le sous-estimaient ! Il était heureux... Jusqu’à ce que Jake se détache progressivement du colossal. Devenu jaloux maladif, Matthew exigeait des explications. Sauf qu’au lieu de paroles, il reçut des coups. De plus en plus nombreux. De plus en plus violents. Mais Matthew ne disait rien, il encaissait. Il se disait que c’était sa façon à lui de lui prouver son amour. Ces violences conjugales finirent par cesser lorsqu’ils emménagèrent ensemble. Ils reprirent une vie heureuse, du moins en apparence. Jake accumulait les histoires avec des gangs, des dealeurs de drogue… Tandis que Matthew, lui, s’était calmé dans son comportement. Il ne frappait plus. Il se contentait d’être las, désintéressé, blasé de la vie. Mais il avait Jake à ses côtés, et ça, c’est tout ce qui comptait pour lui.

Le jour du dix-huitième anniversaire de Matthew, Jake l’attendait impatiemment, lui ayant préparé un repas en tête à tête et lui ayant acheté une bague, gage de son « amour » envers le violet. En parlant du loup, il devait rentrer après les cours, c’est-à-dire vers 16h30. Sauf qu’il ne rentra qu’aux environs de 19h, ayant rencontré d’énormes problèmes de transport : il était resté bloqué à la gare car le train qu’il prenait habituellement pour rentrer ainsi que le suivant étaient annulés pour cause de grève. Lorsqu’il rentra enfin chez lui, il croisa le regard meurtrier de Jake, fou de rage.

« J’peux savoir c’que tu foutais ? dit-il en croisant les bras. Ça fait deux heures et d’mi que j’t’attends, merde, t’aurais pu me prévenir ! T’as un téléphone, non ? Il te sert à quoi ? A que dalle ! Grogna-t-il. »
Désolé, Matthew ne put que baisser les yeux, n’ayant pas pensé à le prévenir. Il ajouta après s’être éclairci la voix :

« Je suis sincèrement désolé, Jake… Je… J’étais bloqué à-

- Chez ton plan cul, ouais ! Je sais ! Te fatigue pas, va. J’ai compris. Tsss, toutes ces heures où j’ai passé du temps à cuisiner pour toi ! J’avais fait en sorte de te préparer le meilleur anniversaire possible ! ET C’EST COMME CA QUE TU ME REMERCIES ?! Cria-t-il tout en s’approchant dangereusement de Matthew, menaçant.

-Quoi ?... Mais qu’est-ce que tu racontes ?... Tu délires !! J’te trompe pas !! Je t’aime, Jake ! J’étais coincé à la gare, y’avait pas de train !! répondit-il en reculant, son petit ami commençant à lui faire franchement peur. »

Tout en continuant son chemin, Jake attrapa un couteau de cuisine et commença à l’agiter sous le nez du géant qui commençait à trembler.

« Qu’est-ce que tu fais ? Arrête ça !... J’ai rien fait !! bredouilla-t-il en fermant les yeux, apeuré.

-Tu vas arrêter quand, de t’foutre d’moi ? Sale con ! J’te f’sais confiance !! C’ÉTAIT BIEN, AU MOINS ? IL EST MIEUX QUE MOI ? PLUS COMPÉTENT ? PLUS GRAND ? PLUS DOUX ? HEIN ?! Lui cracha-t-il au visage. »

Matthew ne savait plus comment réagir. Il éclata en sanglot. Depuis le jour où il avait rencontré Jake, il avait changé… Il était… Faible. Dépendant. Fidèle. Jaloux. Comment était-ce possible ? Je vous répondrai l’Amour. En voici la cause. Tout simplement.

« Jake, arrête… Je t’aime… Marmonna-t-il avec le peu de voix qui lui restait, en pleurs.
-FERME-LA, SALE MENTEUR !! OU JE TE PLANTE !!
-Jake… Non… Je te promets… Je t’… »

Matthew n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Pourquoi ? Jake l’avait planté. Au sens propre. A un poil près, il transperçait son cœur. Le géant écarquilla les yeux et cracha presque aussitôt du sang en ressentant une horrible douleur irradier dans tout son être. Son regard se vida de toute expression. Il essaya de baisser la tête et de regarder le fameux couteau planté dans son torse, mais apercevant tout le sang qui giclait de la plaie, il tomba à genoux, puis tomba sur le flanc. Son âme l’avait quitté. Il était mort. Jake, satisfait, arborait un rictus sadique et s’en alla, sans un seul remord pour le crime qu’il venait de commettre. Il s’échappa de la scène de crime.
C’est ainsi que le violet vit la Faucheuse se dresser devant lui. Effrayé, il la fixa, tremblant. Pendant dix minutes, il s’entretint avec elle, lui ayant accordé une seconde chance. Pourquoi ? Il avait raté sa vie. Les autres avaient raison. Qu’importe… Il devait bien y avoir une raison.

Le délai passé, il ouvrit les yeux et baissa la tête vers le manche du couteau. Était-ce un rêve ? Il se pinça. Et eut mal. Il réalisa donc qu'il était bel et bien ressuscité. Malgré tout, il était grièvement blessé. Matthew se releva avec beaucoup de difficulté, apeuré et peu sûr que Jake ait déserté les lieux. Il se promit de lui faire payer. Mais pour l’heure, le plus important était de se faire soigner. Il alla chercher son téléphone et appela les secours d’une voix faible. Il était fatigué et n’allait pas pouvoir tenir longtemps… Lorsque les secours arrivèrent sur les lieux, le géant avait perdu conscience.

Lorsqu’il ouvrit les yeux, il ne reconnut pas les lieux.

Où suis-je ?

Il observa autour de lui, puis tous les événements passés lui revinrent comme un deuxième coup de couteau, cette fois-ci dans le cœur et l’âme. Il pleura pour la deuxième fois de sa vie, dans l'espoir d'évacuer tout ce qu’il ressentait afin de se sentir mieux par la suite et d’essayer de tourner la page. Un médecin vint vers lui et lui annonça le résultat des examens qu’il avait faits sur son patient.

« Monsieur Avery, bonjour. Comment vous sentez-vous ?

- J’ai connu mieux… Ajouta-t-il en riant doucement puis en grimaçant de douleur.

- C’est compréhensible, pardonnez ma maladresse. Je viens vous annoncer ce qu’il s’est passé depuis que l’on vous a récupéré. Tout d’abord, vous avez été grièvement blessé. De ce fait, nous vous avons emmené d’urgence au bloc opératoire. L’arme était à exactement deux millimètres de votre cœur, Monsieur… Vous êtes un miraculé. »

Un peu, mon n’veu ! Si tu savais… Pensa-t-il en souriant légèrement. Le chirurgien continua alors son récit :

« Nous avons retiré ce couteau de votre torse. Vous aviez perdu énormément de sang. Cependant, nous avons réussi à vous soigner et à réparer tout cela. Vous devrez rester ici environ deux à trois semaines selon la progression de la cicatrisation de votre plaie. Vous aurez ensuite une cicatrice longue d’une dizaine de centimètres sous votre pectoral gauche. Sur ce, je vous souhaite une bonne journée et je reste bien entendu à votre disposition. »

Durant les deux semaines qui suivirent, le géant se remit doucement de son opération. Il cicatrisait bien et n’avait fait aucune rechute. Passé ce délai, il put sortir de l’établissement médical après avoir sincèrement remercié tout le personnel qui s’était occupé de lui. En sortant de l’hôpital, il se promit qu’il allait tout recommencer à zéro. Il prenait enfin conscience qu’il avait été un parfait enfoiré durant sa première vie. Et c’est pour cela qu’il avait la ferme intention de devenir le parfait opposé de ce qu’il était, c’est-à-dire, dans les grandes lignes : A l’écoute, aimable, respectueux et humble. Oui, c’est ce qu’il voulait. Il voulait sortir, rencontrer de nouvelles personnes. S’excuser auprès de sa famille. S’épanouir. Être lui-même. Être extraverti. Simple. Présent pour ses pairs.

Il décida de se rendre au commissariat le plus proche, confiant. Il était heureux. Il vivait, pour la seconde fois. Et il comptait bien en profiter, peu importe le regard des autres.
Ainsi, il relata les faits au commissaire, n’omettant pas de préciser les activités illégales de son ex copain, sans oublier la violence incroyable donc Matthew avait été victime. Néanmoins, il se garda bien de préciser son retour à la vie, ce dernier étant à présent devenu son jardin secret. Après de longues semaines, il y eut un procès, et Jake fut reconnu coupable de tentative de meurtre, de détention de substances illicites après vérification du domicile en plus de coups et blessures volontaires. Il fut condamné à 25 ans de prison ferme. Ainsi, Matthew pourrait tranquillement refaire sa vie, sans qu’un fantoche gêneur ne soit là pour l’empêcher de s’épanouir.

Durant les mois qui suivirent, il alla voir sa famille et s’excusa sincèrement. C’était légitime, après tout ce qu’il leur avait fait subir… Entre les ignorances à répétition, les disputes… Il se devait de s’excuser. Il les aimait, malgré tout, même s’il n’avait jamais voulu se l’accorder jusqu'à maintenant. Un vrai petit empaffé, oui, il l’était. Mais ça, c’était avant. Ses parents furent distants au premier abord, méfiants. Puis, remarquant cette étincelle qui leur était encore inconnue dans le regard de leur fils, ils comprirent qu’il était sincère, et le pardonnèrent. Son frère, lui, sauta presque de joie. Il avait récupéré son petit protégé ! En somme, il put retourner vivre auprès d’eux. Après sa première nuit dans le cocon familial, il émergea assez difficilement. A 18 ans, il avait toute sa (deuxième) vie devant lui. Il devait donc se lever et chercher du travail. S’étirant après s’être levé du lit, torse nu, il aperçut des marques noires le long de sa colonne vertébrale lorsqu’il passa près d’un miroir.

« C’est quoi, ça ?... Ah, oui, la fameuse marque… Marmonna-t-il. »

Cette dernière représentait un message rédigé en morse. Ayant quelques connaissances à ce sujet, il put facilement en déterminer la signification : « Don’t forget. » Tss, comment pourrait-il oublier ce passage de sa vie ? C’était inconcevable. Évidemment qu’il s’en souviendrait. Il décida d’enfiler un haut pour dissimuler cette marque à son entourage, n’étant pas vraiment d’humeur à en parler. Il entoura les épaules de son frère avec son bras lorsqu’il sortit de sa chambre et remarqua une réaction étonnante de sa part : son frère soupira d’aise en fermant les yeux.

Quoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ?

« Frangin, ne retire plus jamais ton bras. Je me sens tellement bien… Dit-il, presque en extase. »

Fronçant les sourcils, lorsqu’ils arrivèrent devant leurs parents, Matthew retira son bras des épaules de son frère et posa un simple doigt sur les joues de ses parents. Même réaction observée sur leur minois.

Merde, ça fonctionne vraiment !

Il éloigna précautionneusement ses doigts du visage de ses parents puis leur sourit. Il allait pouvoir aider les gens avec son pouvoir !
Ils déjeunèrent ensemble, tous heureux suite à leur contact avec Matthew.

Un an et demi plus tard, il put ouvrir son propre cabinet à seulement 20 ans avec l’aide de sa famille, à Niflheim. Monsieur Avery était devenu magnétiseur et pouvait par ce biais faire profiter ses patients de son étrange pouvoir. Il était épanoui. C’était un nouveau départ, marquant le début d’une grande histoire.