Cyriel Gray - L'homme qui chuchote à l'oreille des chiens, des chats, des poules ... des poules ?!

Tu es né un 25 décembre. Tu aurais dû être un joli cadeau de Noël. Ce fut le cas, mais au final, tu n’étais pas vraiment le cadeau attendu. Tes parents ont vu le taux de naissances féminines diminuer d’année en année. Alors, quand ils ont voulu avoir un enfant, ils rêvaient d’avoir une petite fille. Ça devenait tellement rare… Alors, quand le médecin leur a annoncé qu’ils attendaient une petite fille, ils étaient les plus heureux du monde. Ta chambre était déjà prête, peinte dans une légère teinte rosée avec plein de petites robes disposées dans la commode de la chambre. Il faut dire qu’à l’époque, ils ne savaient pas que le médecin n’avait pas lu correctement l’échographie. Ou était-ce déjà de ta faute ? Est-ce que déjà dans le ventre de ta mère tu te cachais ?

Toujours est-il que, lorsque tu es né ce jour de Noël, tes parents ont eu la surprise de découvrir que tu étais un joli petit garçon bien potelé avec tout ce qu’il faut là où il faut. Est-ce qu’ils ont été déçus ? Tu n’en sais rien, tu n’as jamais osé le leur demander. D’ailleurs, ils ne te l’ont jamais fait ressentir. Tu as grandi entouré d’amour. Tes parents t’ont toujours donné tout ce qu’il fallait pour que tu grandisses bien et que tu sois un petit garçon heureux. Ce n’est que lorsque tu as eu 8 ans que tu as trouvé des vêtements de fille dans une boîte en carton. Beaucoup de vêtements… Tu n’as jamais rien eu contre la couleur rose, mais tu n’avais jusqu’alors pas compris pourquoi ta chambre était rose. Tu as alors compris. Tu n’avais pas été le bébé espéré.

Alors, à partir de ce jour, tu as décidé d’avoir les cheveux longs. À 9 ans, tu avais les cheveux jusqu’aux épaules. C’était assez particulier pour un garçon. D’ailleurs, les autres garçons te regardaient un peu bizarrement. Les rares filles de l’école, elles, trouvaient ça vraiment joli. Surtout que leur couleur était un peu particulière, alors ça attirait l’attention. Sans parler de tes yeux…

Tu as gardé les cheveux longs jusqu’à ton entrée au lycée. C’est là que tu as rencontré Jane. Elle était la plus jolie fille du lycée. Il faut dire que même si vous viviez à l’époque à Londres, il n’y avait pas énormément de filles. Mais elle était ta meilleure amie. Vous ne vous quittiez pas d’une semelle. Un jour, elle t’a demandé pourquoi tu avais les cheveux longs. Tu as eu un peu honte de lui raconter. À ton grand étonnement, elle est partie chercher une paire de ciseaux. Tu l’as regardé avec surprise avant de sourire tendrement. Et tu l’as laissé te couper les cheveux. Pas trop court non plus, juste au niveau de la nuque. Ça te plaisait. Et ça semblait lui plaire énormément aussi.

Au fil du temps, vous vous êtes encore plus rapprochés. Tu as fini par tomber amoureux d’elle et elle est tombée amoureuse de toi. Mais peut-être l’aimais-tu déjà depuis de début ? C’est fort probable… Tu t’es ouvert à son contact et tu as appris à assumer le fait que tu étais un garçon et que ce n’était pas de ta faute. Vous aviez tous les deux le même intérêt pour les animaux. Alors vous êtes tous les deux entrés à l’université vétérinaire. Jane était tout aussi douée que toi.

Peu de temps avant votre remise de diplôme, Jane s’est mise à être fatiguée, à avoir des nausées pour rien… À l’époque, vous viviez ensemble depuis plusieurs années. Depuis le début de vos études en vérité. Comme elle ne semblait pas aller mieux, tu as réussi à la convaincre d’aller chez le médecin. C’est là que vous avez appris qu’elle était enceinte. Tu n’as jamais été aussi heureux que ce jour-là. Malheureusement, ton bonheur n’a été que de courte durée. Après quelques semaines, Jane n’allait toujours pas mieux. Malgré sa grossesse, elle perdait du poids, était toujours aussi fatiguée… Après avoir vu plusieurs médecins, vous avez appris que Jane avait un cancer qui s’était déjà développé. Vous n’aviez pas le choix. Si Jane voulait avoir une chance de survivre, il fallait interrompre la grossesse pour pouvoir commencer le traitement.


Ça n’a pas été facile, mais tu as réussi à la convaincre. Quand tu as appris que votre bébé était une petite fille, tu as cru que le ciel te tombait sur la tête. Qu’est-ce que tu avais bien pu faire pour mériter ça ? C’est seul que tu as enterré ta fille. Jane était trop faible pour pouvoir quitter l’hôpital. Et pour ton plus grand malheur, elle ne s’est jamais remise. Tu ne sais pas si c’est la perte de votre enfant ou la maladie qui était trop forte, mais malgré les meilleurs traitements, l’état de Jane ne faisait qu’empirer.

Un soir, tu t’es allongé à ses côtés. Elle t’a demandé de vivre ta vie, d’être heureux, de trouver quelqu’un de bien avec qui fonder une famille. Tu n’as pas compris qu’elle puisse lâcher prise comme ça. Mais quand tu as croisé son regard, tu as vu qu’elle n’avait plus envie de se battre. Elle était tellement fatiguée, tellement triste… Tu l’as embrassée tendrement avant de la serrer dans tes bras. Et tu as entendu son souffle diminuer jusqu’à s’arrêter complètement. Tu te souviens l’avoir serrée dans tes bras pendant un long moment avant de prévenir les médecins.

Malgré le soutien de tes parents, tu ne t’es jamais remis d’avoir dû enterrer ta fille et ta compagne. Ils ont fait de leur mieux pour que tu te sentes bien, mais rien n’y faisait. Tu es retourné vivre chez eux parce que tu n’avais pas la force de rester chez toi. Sans grande surprise, le chien de tes parents passait son temps à tes côtés. Un peu comme s’il sentait que quelque chose n’allait pas. Tu t’étais toujours demandé si les animaux étaient capables de sentiments…

Un soir, tu as décidé que tu ne voulais plus vivre. Ça n’en valait pas la peine. Tu ne savais pas si le paradis existait vraiment ou s’il s’agissait d’une invention de l’homme pour se rassurer, mais… Tu ne voulais plus vivre sans elles. Alors tu as pris les médicaments les plus forts que tu puisses trouver. Tu as tout pris, sans te soucier de ce que ça provoquerait. Finalement, tu t’es simplement endormi. Le noir, le néant…

Jusqu’à ce que tu La vois. La Mort. Cet être drapé de noir, la tête recouverte d’un crâne de loup… Tu as eu peur en l’apercevant. Mais tu n’avais pas vraiment l’occasion de t’échapper. Tu ne savais même pas où tu étais. Elle s’est alors mise à parler.

« Souhaites-tu y retourner ? »

Tu l’as regardée sans vraiment comprendre dans un premier temps. Et puis tu as revu des images défiler devant tes yeux. Les images de tes parents, de Jane souriante, de Jane mourante, mais te faisant promettre de réapprendre à vivre. Avais-tu vraiment le droit de la trahir ? Non… Tu as baissé les yeux sans regarder l’être noir dans les yeux.

« Oui… »

Tu ne le regardais pas, mais tu aurais juré l’avoir entendu sourire. Du moins, c’est ce que sa voix trahissait quand il t’annonça que personne ne se serait rendu compte de ta mort. Tu as simplement hoché la tête et tout est redevenu noir avant d’entendre à nouveau la voix de la Mort. La divertir…

Quand tu as repris connaissance, il faisait déjà jour. C’est une sensation légèrement désagréable au niveau du visage qui t’avait réveillé. En ouvrant les yeux, tu as vu ton chien en train de te lécher le visage. Tu as émis un grognement avant de te redresser. Le chien s’est assis à côté de toi. Il avait l’air inquiet… Tu l’as regardé dans les yeux avant que les tiens ne s’écarquillent. Inquiet. C’était vraiment le mot. Tu avais l’impression de le ressentir, de savoir qu’il s’inquiétait pour toi. Ça devait être une impression… Tu ne pouvais pas mettre le nom d’une émotion sur l’attitude ou le regard d’un animal…

Au fil des jours, tu as réappris à vivre. Personne ne savait que tu avais croisé la Mort. D’ailleurs, était-ce vrai ? Ou était-ce simplement un rêve ? Ce n’est que quelques jours plus tard que tu as remarqué après ta douche qu’il y avait quelque chose au niveau de ton rein gauche. Une marque ? Une patte de chat… Depuis cette fameuse nuit, tu es capable de comprendre les animaux. Pas comme s’ils te parlaient, mais plus comme s’ils te communiquaient leurs sentiments, leurs émotions, leur douleur… Tu as très vite appris à faire usage de ce don durant tes journées de travail. Mais tu devais te montrer discret. Fixer un chien dans les yeux pendant 5 minutes en lui demandant de te dire où il a mal… Ouais, ça peut être flippant pour le propriétaire… Et c’est vraiment fatigant pour toi. Quand tu en fais trop usage, ou quand l’émotion ressentie est trop forte, tu es subitement fatigué ou pris d’un gros mal de tête.

Alors oui, tu dois faire attention. Te renfermer dans ton monde animal n’est pas forcément une bonne chose. Et pourtant, tu te sens tellement mieux en te concentrant sur les animaux plutôt que sur les êtres humains. Après tout, tu es persuadé que jamais tu ne retrouveras quelqu’un à la hauteur de Jane.