I'm an independent man - Changsai Lamwilai [FINI]

Tu étais un petit garçon heureux hein ? Tu ne peux pas le nier. Ton père était pêcheur, ta mère elle, secrétaire dans une entreprise dont tu as carrément oublié le nom. C'est dans une ville dont le port de pêche était important que tu es né, à Grimsby, en Angleterre. Tu vivais convenablement. Ta famille ne roulait pas sur l'or, mais là n'était pas vraiment le plus important. Ta mère était une jolie britannique. Ton père un thaïlandais, ayant déménagé de son pays pour l'Angleterre. Ils se sont rencontrés en réalité peu de temps avant ta naissance. Les choses se sont faites rapidement et ton père n'a pas hésité à demander ta mère en mariage après l'annonce de sa grossesse. Petit garçon turbulent qui avait appris l'anglais et le thaïlandais à la maison, tu n'avais eu aucune difficulté. Les deux parents s'étaient mis d'accord pour se concentrer d'abord sur ton anglais tout de même. Ils ne voulaient bien sûr pas que tu te retrouves en difficulté à l'école, pour communiquer avec les autres. Lorsque tu entras justement, à l'école primaire, anglais ou thaïlandais, tu n'aimais pas vraiment les autres et ne voulais de toute manière pas discuter avec eux. Donc tu suivais en silence. Quand ton père te demandait en te récupérant le soir, tu disais que tout se passait bien. Ça ne se passait pas forcément bien, tu le savais aussi. Mais le fait que ça ne se passe pas mal te suffisait pour donner une telle réponse à ceux qui t'élevaient.
A la fin du primaire, tu commenças à devenir ce garçon insupportable à l'école et pourtant doux comme un agneau à la maison. Tu ne ramenais jamais de copains à la maison, comme les autres de ton âge. Parfois tu faisais rire un peu la classe, parfois tu les agaçais tous, et parfois tu ne faisais rien. Rien à part écouter d'une oreille et dessiner sur ton cahier. Quand les autres t'agaçaient à leur tour, tu te mettais à parler en Thaï.  Ils ne te comprenaient pas. Même de vilains mots, que ton père ne voulait pas t'entendre prononcer sortaient de ta bouche. Peu importe ? Ils ne te comprenaient toujours pas.

Le premier ami ? Au collège, à la troisième année, après deux années passées une fois de plus un peu dans ton coin. C'était volontaire, tu ne voulais pas du tout parler aux autres. Ils t'agaçaient bien trop. A la maison, ce n'était pas vraiment la même chose. Les repas, la bonne entente et tu étais souriant avec ta famille. Ton premier donc, vrai ami comme tu l'avais appelé, se suivit de deux autres, à la dernière année. Tu n'avais pas forcément beaucoup de points communs avec eux. L'un était très bon à l'école, ce fut lui qui s'occupa de redresser ta moyenne. Le deuxième faisait beaucoup de sport, tu le rencontras d'ailleurs, au cours de volley-ball. Tu aimais ce sport et t'étais inscrit en quatrième. C'était ce fameux sportif, ton premier ami. Le dernier de votre groupe de quatre ? Ou plutôt la dernière car c'était bien une fille. Elle était dans ta classe. Elle t'avais "beaucoup observé". D'après elle, c'était votre deuxième année ensemble. Tu ne faisais même plus attention aux visages. Non, tu ne t'en étais jamais rendu compte. Joli groupe d'amis finalement. Les autres se demandaient sûrement comment tu en étais venu à sympathiser avec quelqu'un.

"Chang, c'est quoi leur noms ?"

Quand on te posa cette question pour la première fois, alors que tu passais un bon moment avec ton petit groupe, c'était pour t'énerver. Oui, tu le savais ça. Ton amie t'a dit de ne rien répondre. Pourtant tu t'es levé. Attrapant le garçon un peu populaire de ta classe par col, tu lui crachas des insultes dans la langue maternelle de ton père. Il rit. Tu le lâchas donc et n'hésitas pas à le frapper. Première fois que tu faisais réellement honte à tes parents. Ton père se retint de te gifler en l'apprenant, aucun doute. Ils étaient déçus mais pas vraiment en colère. Tu ne donnas pas d'explications, tu ne voulais plus en parler. Donc tu ne fis pas d'excuses. Malgré les retenus qui s’enchaînèrent. Ils abandonnèrent donc.

Leurs noms. Tu ne te souvenais même plus de leur noms. Impossible de t'en rappeler. Seul un te revint à l'esprit, un jour quand tu n'écoutais pas pendant ton cours d'anglais au lycée. Mia, ton amie s'appelait Mia. Cette amie que tu avais fort appréciée. Elle aussi l'avait probablement fait. A ton entrée en seconde, tu n'avais plus personne.
Repars de zéro Chang. Tu restas pourtant ce même garçon réservé et un peu sec dans ses paroles. Le fait n'était pas que tu souhaitais les éloigner, tu ne souhaitais pas les laisser trop t'approcher ; nuance.
Un nom de plus ? Impossible à retenir ? Non, tu ne l'oublias pas. Misha Gorev. Il fut ton meilleur ami. Tu l'avais trouvé. Un garçon souffrant d'autisme, toujours un peu en retrait des autres. Tu ne savais plus toi même comment la rencontre s'était déroulée. Tu devenais celui qui le défendait pendant trois années. Trois année où tu n’eus que lui ? Non. Petit à petit en terminal, tu réussis avec son aide à moins rejeter les autres, te disant que tu n'aurais que trois années au lycée. C'était la dernière.
Avec un assez grand groupe soudé, tu ignorais les autres. Certes, oui Chang, tu te battais toujours. Tu prétextais tout et n'importe quoi en rentrant le soir quand tes vêtements se trouvaient tachés de sang. Misha était presque devenu un membre de la famille, tant il était souvent chez toi. Il te défendait devant tes géniteurs mais te rabrouait toujours une fois seuls.  Tu te battais pour beaucoup de raisons. Certains étaient peut-être jaloux et venaient te chercher les problèmes. Tu défendais beaucoup tes amis. Pourtant, bien trop souvent tu blessais pour le plaisir, et finissais par te battre. Comme si tu avais besoin de rendre ce qui t'arrivait.

Enfin l'heure de ta mort sonnait. C'était trop tôt Chang. Pourquoi avais-tu tant bu ? Misha avait tout organisé pour ce quinze janvier. La soirée de tes dix-huit ans. Tu ne passerais que 3h47 précisément. Personne ne t'avait remarqué là, dans le canapé, en plein coma éthylique. Ton meilleur ami appela les secours, quand on remarqua enfin que tu ne dormais pas. Tu ne respirais déjà plus. Mort étouffé, à 3h47, le jour de ta majorité.
C'était noir, tu avais suffoqué, perdu connaissance. Et là tu te réveillais pourtant. Pièce sombre, chose étrange face à toi. Tu n'étais même pas réellement effrayé. Tu ne comprenais rien.

"Souhaites-tu y retourner ?"

Silence.

"Personne ne se rappelle de ta mort, tu seras le seul à savoir. Je t’ai également fait un cadeau… Mais je te préviens, homme, n’en parle à personne. Tu ne souhaites pas me revoir une seconde fois."

Nouveau silence.

"Divertis-moi, Reload."

Tu te réveillas, dans une chambre d’hôpital. On te raconta que tu avais fait un coma éthylique. La migraine te prenait, tu n'en avais jamais fait auparavant. Cherchant un regard familier, malgré ta vision encore flou, tu croisas celui de Misha. Les paroles de l'être obscur, que tu conclus comme étant la Mort elle-même, te revinrent alors. Tu étais mort. Pourtant tu respirais, et ton meilleur ami se trouvais là, au chevet de ton lit.

Une nouvelle vie t'attendait maintenant. Tu ne comprenais plus rien mais la vie reprit son cours. Tu ne t'étais jamais fait autant sermonner par tes parents. Ta mère avait pleuré, ton père t'avais giflé en rentrant. Les choses n'auraient pas dû se passer de la sorte. Tu laissas tes parents et tes amis, pour continuer tes études loin de tous. Niflheim était le lieu de ta nouvelle vie. Tu décidas d'étudier la psychologie. Sans savoir vraiment pourquoi. Plusieurs fois avant ton départ, en ta présence, tes proches s'étaient trouvés effrayés, par des voix ou des même des illusions visuelles. Toi également, en plus de tes maux de têtes fréquents. Tu ne tardas pas à découvrir que le soucis venait de toi. Tes nouveaux compagnons étaient maintenant les animaux du refuge Apan, dans ta nouvelle ville. Tu décidas d'effrayer pour ne pas blesser. De n'avoir plus que des bêtes pour seuls amis. Le mieux était que les autres ne sympathisent plus avec toi, tu ne te considérais plus comme une bonne personne. Repars de zéro, une nouvelle fois. Tu as eu dix-neuf ans. Tu es un reload Chang.