Egon Reisen

Nicklas a fondé en 2000 l'agence de mannequinat Weser Pearls, avec ses divers partenaires de promotion de la haute école de commerce et management de Berlin. Ils avaient pour ambition de révolutionner le domaine de l'information et du divertissement en Allemagne, en profitant du tournant économique que semblait apporter la révolution numérique de l'information. Nicklas Weser, fort d'enseignement et du patrimoine de son père avant lui, n'hésita pas longtemps à lancer son affaire, amateur de mode et ayant fréquenté ce milieu dans sa jeunesse, s'allia de partenaire commerciaux, et d'agences de communication influentes pour produire notamment du contenu dans les magazines de mode dès 2003. Il aimait les femmes, si rares et si fragiles, l'architecture, la mode et la beauté. Personnage influent dans son milieu, ce qui importait pour lui, c'est son image, son agence, et sa réussite. Quand Emilia Reisen vint d'Autriche pour le casting de sa vie, chez Weser Pearl, Nicklas sentit tout de suite son potentiel. Ses cheveux d'un blond cendré lumineux, ses grands yeux clairs, qui désarment d'un coup d’œil, aie aie aie. Un caractère tantôt docile, tantôt rebelle. Quelle femme ! Elle ne se plaignait jamais de sa santé fragile, elle ne paraissait jamais mal. Quelle femme oui, pour lui qui avait la chance d'en côtoyer beaucoup (proportionnellement plus que d'autre, au vu son statut privilégié). Et pourquoi pas la sienne ? Car dans le regard d'Emilia, Nicklas symbolisait une ascension possible, la lumière, les beaux habits et le cinéma, peut-être. Soyons fous !

L'histoire d'Emilia et Nicklas était lumineuse, puissante. Elle donnait des ailes et de l'espoir à cette jeune fille sortie de la campagne, dont la beauté et la féminité, si rare dans ce monde injuste, était le passeport pour s'élever. Emilia parlait déjà plutôt bien allemand. Nicklas l'aimait sans doute, sans doute moins que sa propre image. S'il avait l'air si parfait, c'était peut-être qu'il comptait sur la réussite de son agence, et que pour cela, il avait besoin d'une image parfaite, qu'il a tricoté pendant toute sa vie. Il n'était pas souvent disponible pour sortir, de toute façon, Emilia ne pouvait pas sortir énormément. Là où ils allaient tous les deux, c'est aux dîners huppés, aux shootings spéciaux, aux sorties entre amis (de Nicklas, évidemment). Petit à petit, Emilia abandonna ses contacts et ses amis, sa famille n'eut plus entendu parler d'elle, si ce n'est de rares appels qui se cantonnaient à un " je vais bien, je vous envoie de l'argent, prenez soin de vous ". Ce genre de choses quoi, quand la vie va trop vite, qu'on a accès à l'alcool et aux backstages, au bonheur immédiat et à l'argent. Si jeunes. Nicklas et Emilia vivaient sûrement dans une belle fable. Avec les amis de Nicklas, ses partenaires commerciaux, ceux de la télévision etc. Comme une bulle au monde, des couples mariés, souvent hétérosexuels constituaient ses connaissances. Il y avait beaucoup de femmes dans ce milieu. Et le graal ultime, en ce temps là, c’était de donner au monde de beaux enfants, et surtout des filles.

Quand Emilia tomba enceinte, Nicklas fut heureux, si heureux, il pourrait présenter sa fille à ses amis, et publiquement. Montrer l'image de l'humanité qui va bien. Bref, quand Emilia dut être prise en charge, car grossesse et enfinité oblige, ce fut une période très risquée pour la jeune femme, elle fut oublement soignée chaque jour, à l'écart des autres et de Nicklas. Quand elle sut que son enfant serait un garçon, et que, donc, Nicklas serait furieux, elle commença a mentir et à éprouver de profondes angoisses. Elle resta dans le déni tout le long de sa grossesse. Nicklas n'accepterait jamais son enfant. Il était évident qu'elle devait lui donner une fille en premier. Ils en avaient toujours parlé ainsi. Cette idylle devint un poids énorme pour la jeune femme. Qui pris le pari risqué de mentir. Peut-être pourrait-elle cacher le côté masculin de son bébé. Après tout, le genre est une affaire sociale ? Non ? Emilia aimait réfléchir, chercher les vérités, passionnée de science depuis qu'elle avait accès à la bourgeoisie allemande et à la langue, aux livres. Le pire dans cette grossesse, c'est qu'elle aurait sûrement à tout quitter. Pourvu que ça ne fasse pas trop de vagues... Quand Egon est né, elle est partie, évidemment. Parce que Nicklas n'a pas accepté, parce qu'il n'y aurait jamais plus eu de confiance entre eux. Il n'aura jamais vu Egon, d'ailleurs. L'endroit où Emilia choisit de partir, c'est l'Angleterre, où personne ne la connaissait à part quelques anciennes connaissances de Nicklas. Ils l'accueillèrent en secret dans leur demeure secondaire à l'écart de la capitale. Emilia et Nicklas n'étaient pas mariés, ils savaient pourquoi, à cause de l'image, toujours, de l'entreprise etc. Au final, Emilia aura fait une courte apparition très peu remarquée dans ce milieu. S'il y avait un test, ce fut cet enfant, qui, s'il était une fille, lui aurait permise de devenir une femme porteuse d'espoirs pour la presse, au cinéma, dans les interviews. Chose qui n'arriva point, et qui coupa court aux fantasmes d'un style de vie sous le feu des projecteurs pour elle.

La plus grande différence entre les parents d'Egon, c'est que le jour de sa naissance, et même avant, Emilia avait changé d'ambitions. Et pas Nicklas. Voilà, ce qui aura eu raison de leur couple. Nicklas n'a jamais idolâtré Emilia, elle a été tout au plus une muse, une amie, un fantasme. Il l'aura laissée partir, sans pour autant être violent. Non, il acceptait. Pas de souci, des femmes, il y en a beaucoup, beaucoup qui gravitent autour de lui et dans l'agence. Beaucoup lui faisait se sentir vivant, entouré. Il acceptait des avances d'autres femmes, même quand Emilia était sa compagne, alors, vraiment, c'était pas grave.

Retrouvée seule, jeune mère, et affaiblie par sa grossesse et la maladie. Emilia eut un mal fou à se reconstruire, malgré l'argent qu'elle avait gagné, et celui que Nicklas lui avait permis de garder. Nous sommes en 2004, Egon a 1 an, fait ses premiers pas dans la demeure secondaire des Corgi, à quelques encablures de la grande capitale londonienne. Sa maman auprès de lui, le promenant dans les jardins de la propriété quand il fait beau. Devant son fils, tout va bien, mais le soir, quand Egon hurle depuis son lit, dans sa chambre, Emilia déraille. Les Corgi lui rendent visite tous les deux jours, ce couple d'ancien mannequins de Weser Pearl sont un soutient véritable pour la jeune femme. Mais Emilia a eu tant de choses à assumer, psychologiquement. Abandonner ses rêves, son amour illusoire, la maladie qui tante de l'emporter régulièrement, son passé trouble d'Autriche et d'Allemagne... Tout ces événements et ces épreuves auxquels elle fait face avec hardeur et colère parfois... Pour autant Egon est un bébé difficile, qui a tant besoin d'attention... Certes il y a une gouvernante, pour s'occuper de lui, mais Egon sent bien que c'est une nounou chiante et pas impliquée pour lui. Contrairement sa maman, qui lui manque beaucoup. Elle vit là, mais n'est pas trop présente.

En 2005, Emilia fut victime d'un accident survenu en ville, lors d'une sortie. Elle fit un malaise, et c'est alors qu'Eric rentre dans leur vie. Eric est un professeur de philosophie dans un lycée privé aux alentours de Windsor. Témoin de la chute accidentelle de la jeune femme, il se sentit impliqué et voulut être sûr que cette jolie femme s'en sortirait. Il appris qu'elle logeait chez les Corgi, personnalités relativement connues localement, et que c'était plutôt une femme aisée, bref, d'un tout autre monde que lui. Mais quelque chose se passa entre eux. Une étincelle véritable, une affection réciproque magnifique. Lui reconnaissait une force extraordinaire en elle, couplé à une fragilité déconcertante, attachante. C'est lorsqu'il vint lui apporter des fleurs, s'enquérir de la santé de la jeune femme, directement à la demeure des Corgi qu'il apprirent à se connaître. Eric était un homme simple et sophistiqué, un homme qui aime les petites choses de la vie, magnifier l'ordinaire, aimait beaucoup parler, peut-être du fait de son métier. Rien à voir avec Nicklas, rien à voir avec tout ce qu'Emilia n'eut jamais connu depuis des années. Eric la ramenait au sentiment de bonheur de la vie en Autriche. C'est ainsi qu'ils emménagèrent ensemble, un an après. Eric savait quelle place il devait tenir pour Emilia, et pour Egon. Beau-père, mais pas père. Un adulte de confiance, un modèle, un conseiller, un confident. Pas une figure d'autorité. Ils s'entendaient bien, tous ensemble. Ça se passait plutôt bien. Ils se sont mariés en 2008. Emilia se sentait mieux, mais son mental instable faisaient vivre de bons et de mauvais moments à ce foyer. Egon développa un goût  particulier pour le dessin et l'art en général. Souvent reclus dans sa chambre ou au fond du jardin, il faisait. Souvent de la merde, mais il gribouillait tout un tas de trucs, des histoires, des dessins, des élevages d'insectes, des études spontanées qu'il consacrait dans des petits carnets d'écolier. Eric reconnut son potentiel, et l'encourageait à chacune de ses tentatives de faire des choses. Ce qui plût beaucoup à Egon, durant son enfance, c'est le rire de sa mère face à ses créations. Elle riait de bon cœur, en découvrant les facéties de son fils. Egon était plutôt libre de faire, d'aller et venir dans le voisinage, pour peu qu'il ne mente pas à sa mère. Il racontait souvent ses aventures d'enfant à Eric, avec qui il partageait ses secrets. Tout n'était pas si paisible, au fond. Emilia est une femme parfois dépressive, qui n'a jamais été au clair avec son passé qui recèle peut-être de nombreux secrets enfouis loin dans son inconscient. Elle abusait souvent d'alcool. Elle fuyais la vie, alors même qu'elle avait le fameux "tout pour être heureuse". Et Egon s'en rendait compte, sans jamais savoir quoi faire. Même Eric ne savait pas vraiment quoi faire, en couple, on ne peut pas toujours tout se dire. En 2014, après avoir tenté l'irréparable, elle fut internée dans un hôpital psychiatrique, pour son bien, pour le bien d'Egon. Eric fut un mari extraordinaire, pris Egon sous son aile, pour qu'il ne soit pas envoyé loin de sa mère. Que tous puissent se retrouver quand Emilia serait rétablie.

Eric et Egon s'entendaient bien. Très bien, Eric était très à l'écoute, et forçait Egon à beaucoup réfléchir. C'est peut-être lui qui l'a rendu si curieux, qui l'a initié à la littérature, à la créativité. Egon s'occupait beaucoup seul, il a aimé très tôt fabriquer des choses avec ce qu'il trouvait dans le jardin, fasciné par les bestioles. Eric lui rapportait souvent du matériel de dessin, puisque Egon remplissait si vite les carnets qu'on lui offrait après ses évaluations à l'école. Il aimait aussi jouer aux jeux-vidéos. A 16 ans, Egon éprouva tout de même le besoin de rencontrer son père biologique. Il glana quelques informations auprès des Corgi, et se rendit en Allemagne, chez de vieux amis de sa mère. Il y découvrit de nombreux récits pas vraiment flateurs. Il composa une image de son père qu'il ne connaisait pas. Il envoya quelques mails à son père, en se faisait passer pour un autre. Il voulait le voir en vrai, mais pas le rencontrer. Nicklas lui donna rendez-vous dans un restaurent. Egon est passé devant ce restaurent, à l'heure du rendez-vous. Il y a vu cet homme bien habillé, à la chevelure noire charbonneuse, au visage fin, et abimé. Entouré de gens, bien habillés, affairés à parler affaires, surement. Egon n'est jamais entré. Car cette image l'a glacé. Il est rentré en Angleterre en catastrophe. Cet homme qui n'a jamais voulu de lui, qui a brisé les rêves de tant de personnes. Cet homme qui n'en a jamais eu quelque chose à carrer de sa mère et de ses rêves, ni de lui, ni de personne. Il décida de lui-même d'effacer l'existence de Nicklas.

Après cette aventure, Egon semblait différent. Eric l'a bien remarqué, il le regardait en souriant depuis le divan, par dessus ses gros livres de philosophie. Qu'est-ce que cette escapade allemande lui a-t-elle aprise ? Il a vraiment les yeux d'Emilia, pensait-il sûrement. Il se rappelait Egon rentrant du lycée en furie, lâchant son sac dans l'entrée, attrapant un toast grillé et aussitôt reparti d'une traite en claquant la porte. Par la fenêtre, il reconnu son ami d'enfance qui venait parfois, celui-là lui posa délicatement la main dans les cheveux, et c'est un Egon au sourire passablement gêné qui se retourna vers son ami. Eric détourna le regard, et s'en voulu un peu d'avoir regardé par la fenêtre. Comme Egon ne parlait plus trop de ses amis, des gens du lycée, Eric avait eu l'audace de vouloir savoir quand même. Mais c'est son jardin secret à lui, il a l'air épanoui malgré tout ce qu'il se passe à la maison. Il ne parle presque jamais de sa mère qui n'est pas là tout le temps, de comment il vit l'absence de son père, il n'a jamais reparlé de son voyage en Allemagne non plus. Egon avait donc acquis la mauvaise manie d'intérioriser ce qui l'affectait négativement, pour ne pas peiner davantage sa mère, et Eric.

Emilia est sortie de l'hopital psy il y a un an. Après deux ans de navettes entre des phases de suivi et des phases où elle rentrait à la maison. Eric l'aura toujours soutenue, lui aura permise de se remettre et de se comprendre sans s'inquiéter pour Egon. Cette année-là, Egon passa son British A-level pour la forme, et, poussé par Eric à tester ce qu'il voulait, il décida de tenter une école d'art quelconque, pour son développement personnel plus que par rationalité pure. Depuis son voyage en Allemagne, seul, Egon est devenu de plus en plus insolent. Cherchant à s'affirmer. Bon, il a été pris dans la filière artistique de Niflheim. C'est la première fois qu'Egon quitte pour de vrai son petit chez-lui privilégié. Il arrive à Niflheim avec tout un tas de questions d'ado, avec une curiosité de ce que la vie lui apportera. Qui voudra-t-il être après ? Qui va-t-il rencontrer dans cette ville ? Advienne que pourra.