« Narcisse. »
Est-ce primordial de préciser que sa génitrice, une des rares qu'il reste, était une farouche jardinière -bien qu'en réalité elle était surtout chirurgienne- ? Est-ce aussi important de dire qu'elle même se nommait Rose ? C'est sans doute une sorte d'héritage maternel, peut-être, peu importe. Dans la famille italienne, c'était la mère qui choisissait les prénoms des enfants qu'elle portait. Après tout, ils allaient déjà hériter du nom du père, il n'allait tout de même pas en plus avoir le droit, que dis-je, l'honneur de choisir le petit nom propre qu'ils allaient porter jusqu'à leur mort ? Narcisse c'était le portrait craché de son père. Il était bien tombé, Narcy, une famille particulièrement aisée et très croyante. Il a jamais manqué de rien et avait toujours vécu aimé. Bien sûr qu'il a fait sa p'tite crise d'enfant gâté et refusait d'être bon chrétien. Et bien sûr qu'il a fait le malin à défier les règles de ses parents. Mais, faut dire qu'il osait jamais contrarier sa chère et tendre maman, un léger syndrome d'Oedipe qu'il assume pas franchement. Donc bon, il priait par obligation, il s'en fichait au fond ça avait pas d'importance pour lui.
« Maman, maman ! Dit, tu viendras me voir au match de football ? C'est la finale du tournoi régional ! S'teuplaît, s'teuplaît ! »
« Ton père filmera, j'ai un rendez-vous important demain, je suis désolée Narcy. »
Il a vécu la meilleure des enfances, pleine d'innocence, de cadeaux, d'attention, de bonnes notes et de sport. Ouais, il avait rien connu de triste. Mais, inutile de préciser que le malheur frappe à la porte de celui qui s'y attend le moins. Sa mère mourût. Comme ça. Un accident de voiture, l'incompétence des médecins, bref une médecin morte à cause d'un autre médecin. C'est tout ce qu'il a retenu. Il devait avoir quoi... Douze ans ? Il a pas été à cette fameuse finale. En plus, ils ont perdus. Suite à ça, il ne passa jamais son permis, il voulait pas finir pareil, jamais il conduirait, se disait-il. Le père de famille pris la décision de quitter l'Italie pour des raisons "compliquées" disait-il. La vérité est qu'il voulait fuir. On ne peut pas lui en vouloir, perdre l'amour de sa vie, ça devait être dur. Heureusement pour lui, Narcisse avait eu une éducation exemplaire et était même plutôt doué à l'école, il parlait déjà l'anglais couramment, langue quasi universelle et le français, de part ses origines paternelles.
« Londres ? »
« Oui Narcy, Londres est la plus grande capitale d'Europe. Une grande ville pour de grands projets, tu comprends ? »
« Nan, pas vraiment... »
Ils déménagèrent à Londres. Lâchés dans une jungle inconnue, le père et le fils durent se reconstruire. Heureusement pour lui, le brun était extraverti et ne mit pas bien longtemps à se faire des amis. Son père lui était pilote d'avion, fallait dire qu'il était pas souvent à la maison non plus, mais bon. A seize ans, ayant perdu la seule personne qui avait de l'autorité sur lui, il ne fit que des conneries. Son géniteur était partit pendant une semaine d'affilée. Alors, fête à la maison ? Sa baraque était assez grande pour les genres de soirées qu'on voit dans les films clichés américains. S'en était pas loin. Il laissa son côté sensible et mignon pour le remplacer par... Un gars je-m'en-foutiste qui, bien que sympa d'apparence, ne l'était pas forcément.
« Bois, bois, bois, bois ! »
Il faisait ça pour plaire. Il faisait ça pour se donner un semblant d'assurance. En réalité, ça ne fit que renforcer son complexe d'infériorité. Pourquoi tout le monde semblait si cool alors que lui... Quelle galère. Un vomis, deux vomis, trois vomis... On les compte plus. Il marchait plus droit, tombait tous les trois mètres et son p'tit corps d'ados était physiquement pas prêt pour ça. Franchement, heureusement que des gens sont payés pour nettoyer. Narcisse passait ses journées dehors, avec sa p'tite bande de riches privilégiés. C'est là qu'il l'a rencontré. Beau-gosse rebelle, un poil trop con mais il était tellement attirant que... tant pis ? Ils passèrent cette semaine ensemble, collé l'un à l'autre. Bon dieu qu'ils étaient niais. Comment il s'appelait déjà ? Aucune idée, Narcy s'en souvient même pas.
« Je repars pour deux semaines cette fois je vais passer chez un ami en France, ça te pose pas de problème ? »
« Nan, t'inquiètes papa j'me débrouille. Pense à m'envoyer des messages. »
Il jouait le gentil garçon. Bon, on réinvite le p'tit beau-gosse ? Ils s'embrassaient, se pelotaient, baisaient et recommençaient en boucle. Vint ce fameux jour où lors d'une soirée ils gouttèrent à la première merde qui en enchaîna d'autres. Bizarrement, il aimait se droguer sans aimer ça, il le faisait qu'en soirée. L'alcool était toujours plus intéressant à ses yeux. Les p'tites bières à neuf heures du matin avec ses potes et son gars, quoi de mieux ? Le pire c'est que malgré tout ça il gardait une moyenne largement acceptable, elle avait chuté que d'un point. Passer de dix sept à seize, c'est mal ?
« Narcy, je te présente Davis... Ton beau-père. »
Hein ? Quoi ? Ahah, c'est drôle, le destin, le père chrétien devenait homo, il ouvrait enfin son esprit que le jeune trouvait trop fermé. Narcisse n'en avait rien à faire. Il avait un mec ? Cool, et alors ? Sale jeune qu'il était, il ne se rendait pas compte que son père avait vécu les pires années de sa vie en l'absence de sa femme et qu'enfin il était de nouveau heureux. Mais l'ado qu'il était se contentait de le faire péter un câble. Il ne se cachait plus. Il rentrait bourré à des heures improbables, fumait à sa fenêtre, invitait pendant plusieurs jours son gars à la maison. Ce train-train était chiant. Il en avait marre. Ça le lassait. Un mec ? Pourquoi qu'un seul d'abord ?
« C'est qui Will *smiley coeur* ? »
« Un pote du club de foot, tu connais pas. »
« J'ai manqué aucun de tes matchs, j'ai jamais vu de Will. »
« Mais c'est normal, c'est le manager, tu crois quoi sérieux ? T'es chiant là. On en parle toi avec ton voisin de cours de français dont tu me parles h24 ? C'est moi qui devrait douter. Oubli pas que t'es qu'à moi, tu m'appartiens, pas vrai ? »
S'en suivait un long moment sensuel que j'décrirai pas. Ça l'amusait de mentir, de jouer avec le danger. Ça lui plaisait pas quand on lui faisait ce qu'il faisait. Son mec avait pas le droit de parler à x ou y sous prétexte qu'ils sont à côtés en français, c'est quoi c'délire ? M'enfin bon, heureusement y'avait Will, Will n°2, Will n°3... Peu importe leur nom. Ils finissaient tous au même endroit : dans son lit. Il oubliait sa jalousie à leur côtés. Puis vint le moment de la séparation, il ne le vécut ni bien ni mal, comme tout ça lui passait par dessus la tête.
« Tu penses à ton orientation ? Et si tu faisais chirurgien, comme ta mère ? Ou ingénieur, tu te débrouilles très bien en mathématiques, non ? »
Arquant un sourcil face à son père, il comprenait pas. Il avait encore un an devant lui, tranquille. Non ? T'façon il comptait pas faire un d'ces trucs là. Il avait besoin de quelque chose de sportif, qui le fasse bouger, qu'il ressente l'adrénaline lui parcourir les veines.
« Et pompier ? C'est cool, nan ? »
« Si c'est ce qui te plaît, fait. »
De toute façon, l'héritage de maman suffira à le faire vivre encore plusieurs années, c'est affreux, mais c'est vrai. Il eu son bac, passa les tests et devint pompier à dix huit ans. Il déménagea seul à Niflheim. Il s'est teint les cheveux en châtains clair aussi, après tout, nouvelle vie nouvelle coupe, nan ?
Voilà Narcisse, tu rentres dans la vie adulte. Comment tu vas t'en sortir, hein ? Papa te paye ton appart', t'y emmène tes conquêtes, c'est sympa ouais... C'est quand que tu sauras t'occuper de toi correctement et seul ? Tu vas encore attendre de te faire aider ? Aah Narcisse, si seulement ta mère aurait pu assister à ton match de foot, peut-être ne serais-tu pas comme ça aujourd'hui. Tu ne crois pas ? T'en foutre de tout, ça va t'emmener où ?