Sing to me, I don't want to wake up on my own anymore ~

Duncan Edwin Archer, un nom qui transpire l'anglo-saxon. Pourtant, ce cher Duncan n'est qu'à moitié anglais. Il est le descendant d'une famille anglaise qui s'est implanté en Aquitaine lors du XIXe siècle, pendant la grande période du tourisme climatique. Son enfance s’est déroulée tranquillement, sans grand bonheur ni grande tristesse. Duncan était un enfant un peu a part, un enfant calme, enfermé dans son propre univers, n’interagissant peu avec sa propre famille. La raison ? Aucune en particulier, ce n’était ni par mépris ni par méchanceté. Mais juste un manque d’intérêt.
Le seul qui lui semblait digne d’intérêt s’était son grand-père George. Duncan en était très proche. Le vieil homme était un peu excentrique, et ne lui parlait qu'en anglais, à la différence du reste de la famille qui ne parlait qu’en français. Le petit Duncan aimait écouter l’ancien lui raconter ses péripéties de jeunesses, ses histoires de voyages et d’aventure, rêvant secrètement de faire de même plus tard.
Son père, lui, était toujours assis dans un fauteuil rouge au motif baroque qui trônait au centre du salon. Des ronds de fumée s’élevait depuis le trône du patriarche accompagnant sa voix tonnante. Il était préférable d’être le moins présent dans cette pièce, et ça Duncan s’y acquitter avec brio. Si par malheur il y était convoqué, il attendait, droit comme un « i », gardant son sourire au visage, et cela peu importe ce qui pouvait bien se passer. On pouvait même voir une légère marque d’usure sur le tapis, à l’emplacement qu’il tenait à chaque fois que l’appel du père résonnait.
Duncan n’aimait pas l’école, cette prison qui étranglait les esprits, pour les façonner dans un beau moule, un moule unique, et répétitif. Il suivait les cours, mais n’y participait pas avec assiduité. Il était l’élève toujours en retrait, avec un sourire rêveur, le regard perdu par la fenêtre. Le moment qu’il affectionnait le plus était lors de la dernière sonnerie de la journée. Sur le chemin du retour Duncan sifflotait en sautillant sur les pavés du boulevard. Le paysage montagneux s’ouvrant face à lui, avec ses hauts sommets immaculés. Il pouvait y rester des heures et des heures, se faisant parfois bousculer par les passants. Qu’il vente, qu’il pleuve, qu’il neige. S’était son petit plaisir. Il était par-contre difficile de rentrer à la demeure familiale avec des souliers gorgés d’eau.
À l’école il participa à quelques spectacles, club de théâtre, et autres activités artistiques. Duncan racontait chacune de ses expériences à son grand-père qui l’écoutait attentivement en souriant. Mais au bout de quelque temps il dut arrêter. Par décision de son père, M Archer, Duncan accepta, toujours souriant, mais à contrecœur.
Heureusement que son grand-père George le défendit quand il annonça son envie de faire une formation professionnelle dans la couture. Ce ne fut pas simple de convaincre son père, mais il y parvint, et Duncan put rejoindre une école pour préparer son BAC. Qui obtient avec grande aisance, le monde de la couture le fascinait beaucoup, lui rappelant les costumes un peu ridicule qu’il portait lors des spectacles scolaires de son ancienne école.
Puis arriva ce jour. Ce jour où il n’arrivait plus à tenir son sourire, où l’odeur du tabac devint insupportable, brûlant ses yeux déjà bien inondé de larme. Duncan venait de fêter ses 18 ans, il venait de perdre son grand-père. Il était à présent seul dans cette grande demeure avec le reste de sa famille. Jamais les murs recouverts de tableau ne lui avaient semblé si froids. Dans sa chambre à coucher, Duncan serrait dans ses mains la dernière lettre de la seule personne qui avait été proche de lui. Le tic-tac de la montre à gousset de son grand-père rythmait les dernières larmes qu’il s’était autorisées à verser. Il devait rester heureux, c’était son dernier souhait. Fort bien.
Avec l’héritage que lui avait laisser son défunt grand-père George, Duncan fit ses bagages et quitta la demeure familial. Il avait pris sa décision, il devait partir, laisser le ciel être sa muse, et le guider vers de n'importe quelle aventure. Il n’avait pas peur de voyager, les petits boulots ne lui donnaient pas froid aux yeux. Peu lui importait, tant qu’il arrivait à son objectif. Vivre sa vie à lui, et heureux en toute circonstance. Loin de l'odeur du tabac. En traversant une dernière fois le boulevard où ruisselait l’eau de pluie, Duncan disait adieu à ce cher paysage qu’il aimait tant. Un piteux miaulement le tira de ses adieux silencieux au lieu de son enfance. Son regard doré tomba sut deux pupilles vertes, ceux d’un chat errant trempait par la pluie. Avec lenteur Duncan s’approcha du chat sans le quitter du regard.
« Toi aussi tu n’as nulle part où aller ? Si tu veux, tu peux venir avec moi, on finira bien par trouver notre place. »
Le chat se frotta aux jambes de Duncan qui eu un sourire ravie. Il attrapa délicatement le chat, et le cala contre son torse, dans son manteau abritant ainsi le félin de l’averse.
« Je vais t’appeler Rain. Allons-y. »
Avec son nouveau compagnon, tout juste nommé, Duncan quitta pour de bon le boulevard, fredonnant sous la pluie. Cette pluie qui rythmait sa douce musique.