I'll leave you with the memory and the aftertaste ❧ Tino Silveira

L’hôpital, c'était ennuyeux. Ca te laissait le temps de réfléchir, de penser à ce que tu pourrais faire après la longue rééducation qui t'attendait. Les montagnes, ce n'était plus pour toi, elles t'avaient eu. Elle t'ont tuées. Du moins, c'est ce que tu sembles croire. On te disait que tu avais échappé à la mort, que c'était un miracle que tu aies survécu à une si grande et grave chute. Pourtant, tu l'avais rencontré, la Mort.

L'hôpital, ça te laisse aussi le temps de devenir nostalgique, de repenser aux lointains souvenirs de ta petite vie, des bons comme des mauvais. Déjà quand tu t'es réveillé dans une chambre d'hôpital, on a commencé à te poser toutes sortes de questions pour vérifier que tu n'avais pas eu une perte de mémoire suite au choc.

Tu t'appelles Tino Silveira, tu avais 29 ans quand tu as eu ton accident, alors né le 18 janvier 1984 et à Lagos, au Portugal. Tu as deux pères très attachés à leur famille, ainsi qu'une grande sœur, de deux ans de plus que toi, Luzia. C'est elle qui resteras près de toi pendant toute ta rééducation à l'hôpital. Tes parents, eux, ne quittent plus la maison à Lagos.

Lagos te manque, le sud te manque. Tu retournes aux sources dès que tu le peux pour retrouver ta famille et tous ces lieux qui te rendent nostalgique, ces lieux qui te rappellent des tas et des tas de souvenirs. Cela fait déjà quelques années que tu as quitté le Portugal, pour trouver un travail correct afin d'avoir une situation stable.

Quand tu étais petit, tu ne pensais pas à tout ça. Tu préférais aller jouer dehors avec les voisins de ton âge et tes camarades d'école. Le petit Tino était sage, il travaillait bien à l'école pour que ses papas soient fiers. Seulement, tu préférais plus que tout t'amuser, les mathématiques ne sont pas amusantes, tout le monde le sait. Tu étais un petit sportif, tu courais partout et tu adorais les sports d'équipe comme le football notamment. Tous les garçons y jouaient.
Il n'y avait pas beaucoup de filles à Lagos, seulement des filles comme Luzia. Tu n'y as jamais vraiment fait attention de toute façon, tu t'es très vite retrouvé à jouer qu'avec des garçons, les filles se tenaient à l'écart, restaient à la maison pour ne pas attraper la maladie qui les terrasse toutes. Les filles ne jouaient pas au football.
Tu n'as pas de souvenirs vraiment marquants de toute ton enfance et de ton adolescence. Tu étais un garçon comme tous les autres. Tu faisais les mêmes conneries, tu avais la même crise d'adolescence, rien de bien intéressant à raconter en soit.

Seulement, tu te souviens plus particulièrement de tes voyages jusqu'au Brésil. Tes parents considéraient ça comme des vacances d'été mais au fil des années, tu as compris que ce n'était pas la raison première de vos visites de l'autre côté de l'Océan Atlantique. Tu avais un oncle, le frère de l'un de tes pères, qui vivaient dans un bidonville. Ton père l'aidait en lui donnant un peu d'argent, des économies qu'il mettait de côté pour ton oncle et qu'il lui ramenait chaque année. Vous logiez dans un hôtel mais toi, tu allais toujours voir ton oncle pour aller jouer avec ton cousin, Altaïr. Tu te fichais bien qu'ils puissent être démunis, c'était ta famille et tu préférais largement être avec eux plutôt que de rester en pleine ville et observer les favelas de loin. Quand tu retournais au Portugal, tu envoyais des lettres à ton cousin. Tu avais arrêté d'aller au Brésil quand tu es rentré à l'université pour tes études de tourisme, mais le Brésil te manque aussi, malgré tout.

Tu as décidé de te lancer dans le tourisme comme ça, sans vraiment y réfléchir. Tu ne savais pas trop quoi faire après le lycée. Plus vite tu pouvais quitter les bancs de l'école, mieux ce serait. Tu as donc décidé de faire des études plutôt courtes, même si la médecine aurait pu te plaire, tu savais que tu n'aurais pas pu tenir jusqu'au bout. Alors te voilà parti pour plusieurs années d'études encore pour décrocher à la fin un diplôme de guide conférencier en tourisme.
Tu ne jurais que par les études. Tu avais arrêté tes bêtises avec toutes ces soirées pendant tes années au lycée et tu restais concentré sur le travail. Tu faisais plusieurs stages pour améliorer ton CV, pouvoir trouver ensuite un job qui puisse te donner une bonne situation de départ. Tu ne voulais plus compter sur tes parents, juste prendre ton envol.
À la fac, tu as eu tes premières relations amoureuses que tu peux définir plutôt sérieuses. Elles ne duraient jamais longtemps, ta plus longue a duré 4 mois, tu t'étais lassé. Tu étais plutôt compliqué, tu n'arrivais pas trop à t'attacher. Tes relations n'intégraient pas ta famille, tu n'as jamais présenté quelqu'un à tes parents et ta sœur fouillait juste un peu trop dans tes affaires, bien qu'elle soit partie vivre à Lisbonne en tant que professeur de portugais.
C'était des années plutôt tranquilles en somme, tu n'es pas le garçon qui s'attire beaucoup d'ennui de toute façon.

Tu as travaillé pendant trois ans en tant que guide dans ta ville natale. C'était plutôt gratifiant même si les journées commençaient à être longues. Tu voulais changer de décor, voir autre chose et c'est comme ça que tu prends l'avion pour découvrir l'Angleterre. Tu avais été muté pour aller travailler dans les montagnes, grâce à ton bon niveau en anglais. Les plages et la chaleur de l'été, c'étaient terminé. Tu avais 26 ans.

Tu n'avais jamais autant aimé t'aventurer dans des lieux montagneux et dans des longues étendues d'arbres et de sapins. Tu étais peu à peu devenu un alpiniste et tu adorais accompagner des touristes dans des petites randonnées. Tu connaissais les lieux par cœur mais tu ne te lassais jamais, il y a avait toujours quelque chose de nouveau à voir. Tout se passait très bien pendant de longues années, jusqu'à ce que tu aies un terrible accident en randonnée à deux. Tu es encore désolé d'avoir effrayé ton partenaire alors que tu avais été trop audacieux, ce qui ne te ressemblait pas.

Le temps était mauvais ce jour là, il faisait froid et le ciel était bien trop nuageux pour pouvoir partir en randonnée totalement serein. Pourtant, c'est ce que vous aviez fait. Vous êtes partis sans que personne ne s'en inquiète. Vous aviez l'habitude de marcher dans les montagnes, vous frayer un petit chemin au bord du vide. Tu n'as jamais eu le vertige, l'hauteur ne te faisait pas peur, bien qu'elle aurait dû. Tu étais devant et tu menais la marche. Au lieu de faire un détour, tu as préféré prendre un raccourci pas vraiment sécurisé. La pierre s'est détachée sous ton poids et tu es parti avec, dévalant une grande partie de la montagne. Tu t'es évanoui sur le coup avec le choc, mais la chute fut mortelle. Tu ne devais pas y survivre, que ce soit par une hémorragie ou juste une fracture crânienne.

Seulement, si tu te réveilles à l'hôpital, c'est bien parce que tu es toujours vivant.

Tu sembles être un miraculé, les médecins vantent tes mérites que tu n'arrives pas réellement à comprendre. Tu avais vécu un traumatisme et même si tu t'en sortais plutôt bien, tes os mettront du temps à se réparer. Tu avais devant toi de longs mois de rééducation. C'étaient les mois les plus ennuyeux que tu as pu avoir jusqu'à maintenant. Luzia avait quitté l'Espagne pour te rejoindre à Londres et te tenir compagnie autant de temps possible. En même temps, tu avais décidé de te lancer dans une chaîne YouTube, un peu par hasard. Tu t'étais trouvé une passion dans tout ce qui était minerais et pierre précieuse et tu t'étais donné le pseudo maladroit de Quartz.

Cela fait maintenant presque cinq ans que tu n'es plus retourné en montagne. À la fin de ta rééducation, tu as décidé d'habiter dans la ville la plus proche, Niflheim. L'alpinisme, c'était terminé. Ta vie avait pris un tout autre tournant, laissant quelques traces du passé sur ton corps. Tu t'étais lancé dans ta propre entreprise. Tu as ouvert un bar à chats, mêlé avec une petite boutique d'huiles essentielles essentiellement. Cela te correspondait et tu as commencé à te faire une petite notoriété, à avoir des clients habituels. Cette vie te convenait et tu n'étais pas encore prêt pour la changer et découvrir autre chose.

Enfin, qui sait.