ϟ Nothing but a weed ϟ
andyou're still rising, again and again
05 JUIN. 92
« I won't just survive »
Ce fut la première fois. La première de toutes tes premières fois d’ailleurs. Ça n’a pas été facile, ça a pris du temps, ils ont bien cru que tu n’allais pas la laisser t’imprégner. Tu t’y refusais, étrangement. Comme si tu savais. Et puis, tu t’abandonnas. Et tu la laissas creuser ton petit corps, battre tes poumons et donner un rythme à ton cœur. Elle était définitivement là, comme promise. Elle t’accompagnera dans le meilleur comme dans le pire, tu lui jureras fidélité pour l’éternité, jusqu’à ce que la Mort vous sépare. La voici. La vie.
Elle t’a offert son premier cadeau dès le départ : une malformation des poumons. Rien de grave si ce n’est que le système immunitaire qui englobe toute ta respiration est plus fragile que la normale. Dès lors, tu fus déjà refusé toute activité sportive et affublé d’un diététicien pour le restant de tes jours, alors que tu n’avais que quelques heures.
11 JUIL. 92
« Oh, you will see me thrive »
Le Yorkshire. Bradford. Une ville comme une autre, baignée par la Beck. Le temps y est gris, les visages y sont gris, le ciment y est… Sale. Tes deux pères n’ont jamais apprécié les grandes villes, elles sont, disent-ils, froides. La différence est flagrante c’est évident. Toi t’aurais plutôt dit qu’elles sont grises. Mais c’est ici que tu naquis, à l’aide d’une couveuse artificielle. Tes parents donnèrent le nom Holloway à la mère. C’est excitant. Comme tes parents, tu allais rejoindre le troupeau, mouton parmi les moutons ; l’université t’attend déjà, toi futur manager, avocat ou ingénieur. Plutôt strictes, aimant le style de vie bourgeois, mais ne pouvant que la frôler des doigts, ils aspirent déjà à une grande vie pour le petit être que tu es. Ton premier père, Henry, est chirurgien. Son mari, Isaac, est professeur de philosophie dans le lycée de la ville d’à côté.
Tu as à peine un mois quand ils te font garder pour la première fois. L’envie de t’offrir un futur fait de satin était plus forte que celle de te tenir chaud. C’est ainsi donc que tu connus les bras d’un inconnu, payé juste ce qu’il faut pour s’occuper de ta bouche baveuse et de tes poignets boudinés. Il te berçait, te chouchoutait, un peu comme son vrai fils, et toi, tu te laissais faire. Tu pouvais pas faire autrement bien sûr, mais le lien se formait comme la corde retient le navire, et quelques années plus tard ton premier sourire fut tout naturellement offert à Wesley. Cette nounou d’enfer.
Tes parents ne comprenaient pas.
Alors Wesley dut trouver un autre travail.
24 NOV. 97
« Can't write my story »
Tu n’es pas issu d’une famille de riches fortunés qui se pavane, arborant fièrement le dernier Marc Jacobs ou dégustant son whisky pur, peignoir léopard, avec un seul glaçon pour compagnie.
Comment ça des préjugés ? A à peine quatre ans, tu étais déjà un enfant pourri gâté, et pas grave si le mois se finissait sur des sachets de pâtes pour le couple, l’important était de te savoir bien dans tes petites chaussures Louis Vuitton. Tu comprenais pas trop pourquoi ils te grondaient quand tu rentrais le soir après l’école couvert de boue. Arthur n'avait pas fait exprès de te pousser. Mais apparemment, c’était grave. Alors le lendemain, tu avais dit à Arthur de faire attention.
Du haut de ta tête brune, la main de ton maître d’école repose. C‘est fou comme tu apprends vite, comme tu retiens bien les choses. Tes parents sont fiers. Ta famille est fière. Mamie t’offre des sous pour te féliciter. Tu demandes ce que c’est, innocent. S’en suit un long débat sur ton futur, sur la politique, sur la valeur de la monnaie ; plein de mots qui sonnent comme du charabia à tes oreilles d’enfant. Le superficiel. Alors tu t’échappes dans ta chambre, entouré de tes mille jouets, loin de valoir l’amour de tes parents. Tu attrapes ton lion en peluche et tu le serres contre toi, très fort.
14 MAI. 00
« I'm beyond the archetype »
Tes lèvres se posent timidement sur les siennes. Et rapidement, tu les retires et, d’un revers de manche, tu les essuies brusquement. Tu pensais que c’était la meilleure chose à faire quand Emile t’as dit qu’il était amoureux, car tu voulais lui faire plaisir ; et c’est ce que tes papas font, puisqu’ils sont amoureux. Mais à sept ans, on trouve ça un peu dégoutant. Où est le but ? Et puis c’est quoi être amoureux ? Tu devines aisément qu’il s’agit de quelque chose qu’on ne partage qu’à deux, et qu’il faut tout le temps être ensemble, ou en tout cas, la plupart du temps. Les autres enfants autour de vous criaient de recommencer de leurs voix aigües, et toi, tu voulais simplement t’en aller pour jouer avec tes amis de ton côté.
Tu faisais déjà partie de ceux qui aiment se salir. Les mains dans la terre, un pansement sur le museau, les genoux abîmés, un sale gosse qui ne rentrait jamais chez lui sans un nouveau trophée de chasse. Tu avais piqué des tupperwares à ton père et tu en faisais des cages pour les divers insectes et petits reptiles que tu ramenais dans ta chambre. Tu les cachais bien entendu, car tu savais que tu allais te faire gronder si jamais tes parents l’apprenaient. Au début, tu étais triste, car tes lézards et autres arachnides ne vivaient jamais plus longtemps que quelques jours
-grand maximum- dans tes boites. Ce n’est que plus tard que tu compris le système de boite
hermétique. Alors tu picoras des trous aux ciseaux pour laisser l’air pénétrer. Tes bestioles vivaient un peu plus longtemps. Tu te pris rapidement d’affection pour le lézard dans la boite au couvercle vert pomme, un petit gecko qui avait perdu sa queue. Il était un peu comme toi, vous étiez différents. L’un par une perte, l’autre par la maladie.
Tu le nommas « Titus ».
Il mourut huit jours après sa capture.
C’est là que tu compris également que, pour qu’ils vivent, il fallait les nourrir. Alors ta chasse s’accentua, et d’un collectionneur de bêtes tu devins passionné de reptiles. Les araignées ? Elles ne te servaient plus qu’à les nourrir.
30 SEPT. 03
« Oh, ye of so little faith »
L’école n’était pas ce que tu préférais le plus, mais tu y allais, et tu apprenais. Toujours aussi bon élève, tu étais également délégué de classe. Une fierté de plus pour tes parents qui te voyaient alors leader d’une grande multinationale. Un jeu pour toi, qui soutenais bravement l’interdiction des légumes à la cantine le vendredi. Mais tes pères avaient raison sur un point : tu es un meneur. Tu ne prends pas les décisions pour tout le monde, mais le monde suit celles que tu prends. Et c’était d’une importance capitale… Car oui, il fallait souvent trancher entre foot ou basket pendant la pause de treize à quatorze heures le mercredi. Déjà à cette époque, tu avais beaucoup d’amis, tu n’avais pas à essayer de t’en faire puisque de toute façon, ils venaient à toi d’eux-mêmes. Bien sûr, tu ne participais pas bien longtemps. Car même si tu voulais jouer, les professeurs te savaient malade. Tu toussais un peu le mercredi après-midi, sans savoir pourquoi.
Tes parents découvrirent quelques jours avant tes dix ans tes petites manigances. Dans l’excès, ils pensaient presque que tu étais en train de créer ton propre zoo. Furieux, tes petits animaux durent regagner le chemin de la liberté, et tu fus sévèrement réprimandé. Mais c’est également ainsi que ton cadeau d’anniversaire fut trouvé. Tu appelas ton premier chien « Berlioz ». Un golden retriever tout ce qu’il y a de plus banal, loin de valoir les écailles de tes feux reptiles, mais tu apprécias très vite sa compagnie. Ce chien avait la fâcheuse habitude de courir partout, faire des allers-retours du jardin vers le salon. Il bavait, aboyait ; un vrai sauvage. Alors tu courais avec lui, tu aboyais aussi. Et tu toussais, sans savoir pourquoi. Malgré toutes les bêtises que vous faisiez ensemble, Berlioz devint rapidement un membre de votre petite famille.
31 OCT. 09
« Don't doubt it, don't doubt it »
T’avais plus l’âge pour ces conneries, vraiment. Mais vous en aviez pas grand-chose à faire ; toi le médecin fou, accompagné du Comte Chocula, Freddy, le Cousin Machin et Maya l’abeille. Oui, t’avais déguisé Berlioz en Maya l’abeille, et tu trouvais ça génial. Sans laisse, il te suivait toi et tes amis comme le bon toutou adulte qu’il était. Presque, vous auriez pu lui faire tenir un sot de bonbons dans la gueule ; mais faut pas rêver on n’est pas dans un disney. Alors après avoir fait le tour du quartier et ramasser des sacs entiers, vous vous êtes assis tous les cinq sur un banc de la rue adjacente. Vous les avez comptés, puis vous en avez mangé. Cousin Machin, Charly pour les intimes, avait quelque chose de particulier qui t’intriguait. Quand tu lui parlais, tu ne regardais que ça. Et fait t’aurais voulu avoir le même piercing à la lèvre. Mais tes parents te tueraient.
C’est cette année-là aussi où tu revis une vieille connaissance. Tu avais seize ans, Wesley trente-quatre. Il était devenu gérant du cinéma du coin d’la rue marchande. Tu ne l’avais pas reconnu, mais lui oui grâce à ta carte étudiante qui te procure moins dix pourcent sur ta place le samedi soir, et un paquet de pop-corn gratuit pour deux achetés. Alors évidemment, vous avez discuté, vous avez même bu un verre ensemble, plusieurs sujets ont été soulevés. Ça te paraissait bizarre au début de faire ami-ami avec celui qui t’avait gardé pendant que tu étais bébé. Il t’avait vu nu, pardi. Mais au final, c’était un homme simple, facile à parler avec. Vous échangez vos numéros pour voir revoir.
18 AOU. 11
« Victory is in my veins »
Il était temps. Il était temps pour toi de rejoindre la prestigieuse université de Bradford. Tu ne savais pas ce que tu voulais faire comme métier plus tard, alors tu suivais les traces de papa Henry et tu choisis la médecine. Tu t’étais dit que ça pouvait être intéressant comme cursus. Jusqu’à maintenant, tu avais tout réussi haut la main, alors pourquoi pas ici aussi ? Ton choix eu pour effet, évidemment, de réjouir tes parents que tu avais déçus le mois dernier. Car oui, après maintes mûres réflexions, tes cheveux mis-longs furent transformés en dreadlocks. L’allure de petit garçon qu’ils s’étaient tués à te donner était loin derrière eux. Tes oreilles aussi avaient changé, elles étaient percées, un trou à chacune d’entre elles. Tu avais fait ça au perceur plutôt qu’à un bijoutier lambda, utilisant alors plutôt une aiguille qu’un pistolet. Ça faisait pas mal, et tu trouvais ça assez original de se faire percer la peau.
Tu allais donc en cours du lundi au vendredi, le samedi matin était le moment révision avec ton père, tu voyais tes amis dans l’après-midi, dimanche matin grasse matinée, et l’après-midi, tu promenais Berlioz avec Wesley. Vous étiez devenus de grands amis, peut-être même un peu plus. Rien ne te dérangeait dans la différence d’âge que vous aviez. Vous partagiez les mêmes points de vue, les mêmes valeurs, et soyons honnêtes, il est plus que beau. Alors petit à petit, vous aviez commencé à vous fréquenter plus intimement, plus sérieusement, sans jamais officialiser votre relation.
Entre-temps, tu étais allé voir un médecin sous conseil de ton diététicien. Visite banale pour toi qui avait l’habitude d’aller chez lui. Après quelques examens, ils te prescriront un nouveau régime alimentaire. Tu perdais l’appétit. Tu perdais du poids. Et il ne fallait surtout pas.
02 DEC. 12
« And I will not negotiate »
Pour te féliciter de ta première année réussie, tes parents t’offrirent ton tout premier reptile. Et par tout premier, ils voulaient dire le tout premier que tu allais garder en vie longtemps. Te voilà donc en possession d’un tiliqua
-et non pas tequila-, ou scinques à langue bleu. Excité à l’idée d’élever ton animal préféré, tu avais absolument tout fait pour lui prodiguer un habitat adapté.
Tu l’appelas « Skinkh ».
Mais malheureusement, tu n’allais pas pouvoir profiter de lui bien longtemps.
La cadence que Berlioz prenait été surement trop rapide pour toi, mais tu t’en fichais un peu. Pourtant, tes poumons n’en pensaient pas moins. Alors tu t’arrêtas un instant, appelant ton fidèle compagnon pour qu’il se stoppe à son tour avant d’aller trop loin. Ta respiration se faisait haletant, beaucoup trop rapide à ton goût ; et surtout, tu ne savais pas où était passée ton endurance. Et la douleur te frappa soudainement, violente, sans aucune indulgence pour ta poitrine qui se resserrait comme une cage sur tes poumons.
L’air te manque, Khalel. Tu te retrouvas très vite à l’hôpital, les urgences t’ayant tiré de la chaussée grâce à un passant qui les avait alertés. Berlioz était à l’accueil. Wesley avait prévenu tes parents. Et toi, tu respirais par des tuyaux.
Quelques jours plus tard, après beaucoup -trop- d’examens, le bilan tombe, tout comme ta bonne humeur, qui se rétame littéralement au sol. Tu es atteint d’une fibrose pulmonaire idiopathique. Pourquoi ? Car tu ne prenais pas en compte les avertissements des médecins quand ils te disaient de ne pas faire de sport, car tu ne suivais pas à la lettre près le livre de recettes que ton diététicien t’avait recommandé. Mais ce n’est pas la seule nouvelle. Ta maladie est arrivée bien trop tôt, pour être découverte bien trop tard. Aucun remède n’est possible, mis à part ceux qui te soulageront un temps. Une greffe des poumons ? Ton corps ne le supporterait pas.
Et quoi après ?
Tu étais d'ores et déjà condamné.
12 DEC. 12
« I will transform »
Tu t’éteins quelques jours plus tard, tes parents à ton chevet. Wesley avait préféré te dire au revoir avant, laissant tes pères pour seule compagnie. T’aurais bien voulu que Berlioz et Skinkh soient là aussi, mais c’est un hôpital, pas une ménagerie. Ton dernier souffle, ou celui que la machine eut bien voulu te donner, fut celui d’un homme ravagé par une maladie qui n’avait pas lieu d’exister.
C’est donc ainsi que la rupture se prononce, ainsi que la vie te plante un couteau dans le dos et t’arrache à la terre, laissant derrière toi des parents aux yeux rouges, aux joues humides, aux vies détruites.
1͊̉̽2 ͧ͐̽̉ͧͧDͬE͋ͪCͧ̈͐.̉ 1́̋̂͊̇ͭ̑2͑
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La tête basse, les mains et les genoux à terre, le goût de l’innocence dans la bouche ; des souvenirs amers te revinrent à l’esprit. L’espace d’un instant, ta famille traverse tes pensées. Ton parcours indécis, tes amis, tes animaux. Qu’est-ce que tu faisais de ta vie … ? Pas grand-chose quand on y pense bien. Pas grand-chose. Alors tu relèves la tête, ne sachant pas vraiment à quoi t’attendre. Quand tu étais petit, tu t’imaginais un homme avec une tête de lézard, habillé de blanc, un gros livre sous l’bras. Ouais, tu pousses un peu le vice parfois… Quelle ne fut pas ta surprise en voyant tout l’inverse se présenter devant toi. Apeuré, tu recules, ne sachant pas comment réagir fasse à l’inconnu. C’est quand sa mâchoire, toute de dents vêtue, s’ouvrit pour prendre la parole que tu tombas en arrière.
Elle te confronta à la dure réalité : tu es mort. La vie t’a bel et bien abandonné. Ça sonnait un peu comme un divorce d’ailleurs. Soit. La façon dont cette créature te parlait, c’était presque comme de la pitié, mais qui était-elle ? Tu n’osais absolument rien dire. Lui demander serait-il un crime ?
« Veut-tu y retourner ? »Y retourner ? Où ? Sur terre ? Comment serait-ce possible ? Alors tout à coup, la créature à tes yeux devint Dieu. Tu étais surement entrain de rêver. Est-ce qu’on rêve lorsqu’on meurt ? Qui pourrait le confirmer… Mais tu ne te réjouis pas pour autant ; tes fesses toujours contre le sol, au même endroit, tu secouas bêtement la tête de haut en bas, deux fois.
« Parfait.
Amuse-toi bien avec mon cadeau dans ce cas. Et surtout, n’en parle à personne. »Sur ses paroles, le décor commença à s’effondrer autour de vous. Tu allais tomber,dans le vide, dans le néant. Était-ce réellement la fin ? Tu n’avais rien pour t’accrocher, si ce n’est le sol lisse de cette pièce digne d’un hôpital psychiatrique. Alors quand celui-ci s’effrita à son tour pour ne laisser que de la poussière entre tes doigts mattes, tu te laissas avaler par la noirceur.
12 DEC. 12
« When you think the final nail is in »
Quand tu te réveillas, tu eus la surprise de te retrouver alité. Et tu t’étouffas, essayant de retirer ce foutu truc qui manquait de te faire vomir. Tes parents sursautèrent à tes gigotements, appelant aussi rapidement un médecin pour venir te l’enlever. Ceci fait, tu pris une grande bouffée d’air. Tes parents t’expliquèrent que tu as fait un malaise sur ton lit et que tu eus besoin d’une assistance respiratoire minime, ce qui explique le tuyau qui était dans ta gorge. Encore sous le choc, tu ne savais pas quoi dire. Tu te pinças, agar. Mais tu étais bien vivant. Tu respires, tu parles, tu sens ton cœur battre sous tes cotes. Et pourtant, tu l’as bien vu, cette créature ignoble aux allures de faux Dieu.
Quelques jours plus tard, tu sors de l’hôpital. Miraculeusement, ta fibrose pulmonaire s’est envolée, effacée. Bien sûr, trouvant ça étrange, les médecins ont eu le loisir de te voler beaucoup de sang ; prenant également ton numéro personnel pour te faire revenir s’ils avaient du nouveau. C’est avec une joie immense que Berlioz te saute dans les bras à ton retour, heureux de revoir ton copain de tous les jours qui lui avait manqué. Skinkh aussi eu une réaction adorable, celle de demander à sortir de la cage pour rester sur ton épaule, ce qu’il ne faisait pas souvent, étant un reptile.
Le soir, tes parents invitèrent Wesley. La différence d’âge les gênait, mais ils étaient tellement heureux de te savoir en bonne santé qu’ils se fichaient bien des principes. Ravi, tu en profitas pour leur annoncer que tu voulais devenir vétérinaire. Car t’avais quand même pris le temps de penser un peu à ton avenir, maintenant que tu avais goûté à la mort.
16 JANV. 13
« Think again »
Tu venais de lui annoncer la terrible nouvelle. Pour devenir vétérinaire, tu devais t’en aller pour la
« Royal Veterinary School » de Londres, et tu voulais donc mettre fin à votre relation. Elle était loin d’être idyllique, tu étais loin d’être amoureux, mais tu t’étais attaché à cet homme qui t’avait accompagné durant des moments compliqués. Evidemment, alors que toi tu voulais que tout se passe pour le mieux, il se mit à pleurer à chaudes larmes, comme si on lui apprenait un décès. Peiné, te voyant comme le vilain de l’histoire, tu le regardas dans les yeux un court instant, comme pour lui faire comprendre que malgré tout, vous garderiez contact en tant qu’amis. Et étrangement, ses yeux séchèrent aussi vite. Comme s’il n’avait jamais pleuré. Tu trouvas même ça étrange. Il te prit dans ses bras dans une étreinte presque douloureuse tellement elle était forte, te demandant quoi qu’il arrive de lui donner des nouvelles de ta nouvelle vie.
Et cette sensation étrange revint plusieurs fois. Avec tes parents, tes amis, et tu compris. Tu compris qu’en échange de ton retour à la vie, tu devais porter sur tes épaules un poids obligatoire. Au fil des jours, tu appris à t’en servir. Et c’est ainsi que, la veille de ton départ à Londres, tes parents étaient tout sourires quand en réalité, ils étaient bien tristes.
19 OCT. 17
« Don't be surprised, I will still rise »
Te voilà adulte. Quand on a vingt-six ans, on a envie de croquer la vie à pleines dents, et c’est bien ce que tu comptais faire. En cinq ans, tu t’étais fait ton propre parcours, un diplôme de vétérinaire en mains, de l’expérience grâce à des cabinets qui avaient bien voulu te prendre à Londres durant tes quelques vacances, tu étais fin prêt. Tu n’avais pas pris la peine de rentrer sur Bradford le temps de tes études, voulant t’immerger complètement dans celles-ci ; alors qu’elle ne fut par leur surprise en te voyant revenir couvert de tatouages et de piercings. Tes trous étaient visibles, tes tatouages un peu moins ; par-contre ce qui les choquèrent réellement fut ta séparation de langue, ce qu’on appelle communément un tongue split. En gros, on t’a charcuté la langue pour séparer les deux muscles, ce qui fait que maintenant tu r’ssemble un peu à un serpent.
Mais tu ne restas pas à Bradford pour autant. Tu pris tes clics et tes clacs, ton Berlioz et ton Skinkh, et tu partis habiter à Niflheim avec tes petites économies. Tu ouvris ton propre cabinet vétérinaire en centre ville, payé par tes parents, tout seul comme un grand, prêt à accueillir tous les animaux de la ville. T’as entendu dire qu’il y avait peu de cliniques comme la tienne, et tu te ravis donc de savoir que tu auras presque le monopole du métier.
Entre-temps, et comme tu t’étais installé dans un grand appartement, tu t’étais permis de t’offrir de nouveaux compagnons. Ainsi, tu pus accueillir « Mr. FluffyGrin », un iguane bleu de quatorze kilos et « Seth » le petit serpent des sables du Kenya. Tu les installas tous, Skinkh y compris, dans une chambre faite spécialement pour eux. Dans leurs vivariums, évidemment.
Et c’est ainsi que commença ton histoire à Niflheim.